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Métamorphoses du cinéma

Projection

Une sélection de films en lien avec les œuvres de l’exposition Mutations – Migrations, métamorphoses du cinéma, présentée à l’Atelier du 1er au 23 décembre.
Rebonds, dialogues, prolongements des questionnements autour des potentiels de glissements et reconfigurations du médium cinématographique et de ses propriétés fondamentales.
Films tableaux en mouvement, trompe-l’œil, défis de la perception, images hautes en couleurs, références historiques, travaux calibrés au photogramme près, rythmiques endiablées, invitent à une conception élargie de l’expérience cinématographique.
Au programme des films faits par des artistes de l’exposition et des films d’autres cinéastes en écho aux œuvres présentées.

 

Cavalcade de Johann Lurf
2019 / 35mm / 5’

Une roue à aubes ornée de motifs circulaires de successions de gris, noir et blanc et rouge, vert, bleu- évoquant les outils de gradation des images cinématographiques –la nuit, sur un cours d’eau.
Alors que nous observons la mise en mouvement de cette roue, les cercles en cours de rotation semblent changer de direction, et se mouvoir à des vitesses variables.
Cavalcade, film évoquant l’installation et le happening, est la rencontre d’une roue (conçue par l’artiste) et d’un dispositif d’enregistrement composé de caméras 35 mm en stéréoscopie, synchronisées à des lumières stroboscopiques. S’appuyant uniquement sur les lois de la physique optique, il pose une question fondamentale: pouvons-nous croire ce que nous voyons ?
Comme dans Film&Form, répertoire des différents formats de pellicule de l’histoire du cinéma sous la forme de tirages risographiques colorés à l’échelle à l’échelle 1:1, l’intérêt de Johann Lurf pour les spécificités techniques fondamentales du médium cinématographiques et son goût de la transpositions est ici manifeste.

 

Japon Series de Cécile Fontaine
1991 / 16mm / 6’ 44

Pour Japon Series, Cécile Fontaine a minutieusement séparé, puis recomposé les différentes couches de couleur d’un film trouvé, représentant la performance de danseurs buto. Dans l’exposition, ce film est présenté sous forme d’un tableau lumineux où les bandes de film immobiles s’offrent à une observation détaillée des effets plastiques obtenus. Dans la salle de cinéma, c’est une toute autre perception de l’œuvre qui est proposée : les photogrammes défilant à la vitesse de 24 images par secondes, s’animent dans un ballet de couleurs pures.

 

Wall of sound flowers de Francien Van Everdingen
2004 / 16mm / 6’

Un film d’intérieur, où la réalisation de différentes tâches du quotidien vient ponctuer le défilement continu de motifs de papiers peints colorés.
Echo au GIF animé en 16mm Still life with fries de Rebecca Erin Moran, avec lequel le film partage à la fois la technique de cache /contre-cache mobile, permettant par l’incrustation la création d’images composites, la mise en scène d’objets du quotidien et une vision circulaire du temps.

 

Boy’s best friend de Cécile Fontaine
2002 / 16mm / 12’ 07

On retrouve dans le film de Cécile Fontaine nombre des techniques qui font sa marque de fabrique : collages et associations de sources disparates, altérations des couches de film avec des produits ménagers, décollage d’émulsion. Les sources utilisées sont ici des films promotionnels et éducatifs.
En cela se dessine une association avec l’oeuvre Lightspill (2005) de Sandra Gibson et Luis Recoder : des milliers de mètres de films de ce genre, déclassés par des écoles et bibliothèques et récupérés par les artistes, se déversent au sol, suggérant l’idée de déchet et de désuétude de ces supports.
Cécile Fontaine propose quant à elle la voie d’un possible « upcycling » : à partir de ce type d’images recombinées, elle élabore son propre discours, leur donnant une nouvelle vie.

 

Arnulf Rainer de Peter Kubelka
1958-1960 /35mm / 6’ 30

A l’origine de cette œuvre iconique, un portrait commandité par le peintre Arnulf Rainer à son ami cinéaste Peter Kubelka. Dans la lignée de sa théorie du cinéma « métrique » ce dernier y répondra avec un film uniquement composé d’une succession précisément ordonnée de photogrammes blancs et de photogrammes noirs, et d’une alternance de son saturés et de silence. Film réalisé sans caméra ni table de montage, film dont les bandes seront exposées sous forme de tableau, Arnulf Rainer, haute expérience sensorielle, représente à la fois un retour à l’essence du cinéma et une possible ouverture de sa définition.
On peut voir entre Arnulf Rainer et Continuization Loop de Wim Janssen. une relation de filiation. A 50 années de distance, l’artiste belge crée un mur de film grâce à une grande boucle de 35mm, uniquement composée de noirs et de blancs et transportée de haut en bas à travers plus de 150 roues de guidage. Par ce transport, une image semblable à de la neige cathodique apparaît. Au-delà du cinéma
photochimique, l’installation de Wim Janssen convoque des éléments visuels de nouvelles générations du de l’image en mouvement : le signal vidéo et la logique binaire du digital.

 

Train Again de Peter Tscherkassky
2021 / 35mm / 20’

18 ans après avoir réalisé L’arrivée (hommage à l’Arrivée en train du gare de la Ciotat par les frères Lumière), Peter Tscherkassky revient à ce motif inextricablement lié à l’histoire du cinéma – le train- pour nous embarquer dans un voyage virtuose et frénétique dont il a le secret. Avec Motion picture, oeuvre présentée à l’Atelier, c’est sur la Sortie des Usines Lumière que Tscherkassky revient. Grâce aux composantes élémentaires du cinéma, ombre, lumière, un photogramme de cette vue historique, projeté sur un cadre composé de bandes de films photosensibles juxtaposées est transposé en une nouvelle partition visuelle.

 

not even nothing can be free of ghosts de Rainer Kohlberger
2016 /DCP / 11’

Dans not even nothing can be free of ghosts, impulsions et vagues de lumière, intervalles et variations de clairs-obscurs alternant avec des noirs et blancs stroboscopiques, diffusés à la fréquence de 30 images par seconde (contre le standard de 25 en vidéo) défient et transcendent les possibilités de notre perception humaine.
Cette fréquence se situe en effet au delà de ce que le système de vision humain est capable de traiter, les impressions visuelles alors générées, sortes d’hallucinations,
de fantômes, appartiennent dès lors à chacun des spectateurs. Dans l’exposition, l’oeuvre de Louisa Fairclough Can people see me swallowing, dessine la trajectoire d’un film presque entièrement noir et silencieux à travers un espace. De brefs éclats de lumière et de voix apparaissent de manière spatialisés au gré du transport de la pellicule à travers les projecteurs et hauts-parleurs disposés en différents points.
Dans la respiration des projecteurs, une présence fantomatique est convoquée et le spectateur est invité à laisser libre cours à ses visions.