« Certaines Observations » : les films de Rose Lowder

Projection - FRAC PDL x Mire

À l’occasion de l’acquisition de deux oeuvres de Rose Lowder présentées au sein de l’exposition « La source, 1983 – 2023, regard sur la collection du Frac des Pays de la Loire », ce programme vise à donner une vue d’ensemble du travail de l’artiste lauréate 2023 du prix d’honneur AWARE (Archives of Women Artists Research & Exhibitions).

La pratique artistique de Lowder, qui débute dans les années 60 et se poursuit aujourd’hui, s’est orientée vers l’exploration du film comme medium d’expression artistique à partir de la fin des années 70. Au cours de cette période, Lowder a réalisé plus d’une soixantaine de films 16mm dont les durées varient de 1 minute à 1 heure. Bien que la plupart de ses films soient pensés pour un écran simple, ses recherches autour de la perception et de la différence entre ce qui est filmé et ce qui est saisi par le spectateur ont conduit à plusieurs œuvres multi-projections telles que Certaines Observations (1979) dont le présent programme s’approprie le titre.

Les neuf films du programme présentent différentes périodes de l’œuvre de Lowder, depuis ses débuts expérimentant la perception spatiale et temporelle de l’image mise en mouvement jusqu’à ses travaux plus récents qui adoptent une posture méditative et observationnelle. En effet, le travail de Lowder a évolué depuis l’exploration formelle et analytique d’un motif vers une pratique plus lyrique où ledit motif est un appui à la structure du film. Bien que ses œuvres adoptent différentes stratégies de filmage, on trouve une certaine constante dans les motifs que l’on rencontre. Les paysages de Provence et de la vallée du Rhône, la Suisse, l’Ardèche et l’Italie du nord constituent le terrain principal de la pratique filmique de Rose. L’eau est également une composante importante de ses films. Depuis Roulement, Rouerie, Aubage (1978), œuvre des débuts, jusqu’au récent La Source De La Loire (2019-2021), la fluidité de cet élément donne un contre-point rythmique à l’action mécanique de la caméra. L’eau introduit une cadence et encourage notre regard à aller au-delà du cadre de l’image projetée.

À propos de Rue Des Teinturiers (1979), Rose souligne : « Rue des Teinturiers  est composé de douze bobines, … mises bout à bout dans un ordre légèrement non chronologique, afin d’éviter de mettre en avant les aspects anecdotiques de la scène ». L’activité humaine quotidienne, considérée pendant un temps comme anecdotique, présente mais rarement au centre du propos, commence à faire son apparition dans l’œuvre de Rose à partir de Impromptu (1989) et prend de plus en plus d’importance et de place dans son travail. Les humains sculptent et influencent non seulement l’environnement à une échelle locale mais déterminent aussi une empreinte globale sur l’écologie et les ressources de la planète. Les films de Lowder sont subtilement militants. Plutôt que de dénoncer explicitement l’état de la planète, elle dresse un portrait de ce qui peut être atteint en changeant nos modes de vies et nos manières de produire. Elle nous livre une vision de l’harmonie qui pourrait régner entre les humains, la nature et ses ressources.

Les moments de hasard qui se glissent progressivement dans ses films sont parfois aussi calculés que les structures plus formelles de ses premiers travaux. La beauté révélée dans les œuvres, telle la magnifique floraison de l’arbre d’Impromptu irradié par la lumière éblouissante de Provence ou bien les iconiques Tournesols qui virevoltent dans une danse rythmée et synchronisée, est le fruit d’années d’observation, d’expérimentation, de perfectionnement technique et d’une certaine « force de vivre ». Son travail se place à une intersection dont les préoccupations sont non seulement formelles mais aussi politiques et intimes.

L’ordre du programme est composé de manière anachronique, tissant les films entre eux comme Lowder tisse ses images. Chaque film est une entité qui se fait l’écho et le complément des thèmes et motifs de son voisin.

– MM 06/23

Miles McKane a été le co-fondateur du distributeur de film expérimental parisien Light Cone en 1983 et du projet de diffusion Scratch Projection en 1984 ainsi que le programmateur de Mire entre 2002 et 2018. Durant la création de Light Cone, il a travaillé de près avec un groupe de cinéastes dont Rose Lowder faisait partie, déjà active en tant que cinéaste et programmatrice à Avignon. Les chemins de McKane et Lowder se sont longés au cours des 40 dernières années durant lesquelles McKane n’a cessé d’observer et d’exposer le travail de Rose. Au-delà de leur implication commune dans le milieu du film expérimental, ils partagent également un engagement envers la cause environnementale et un intérêt pour l’observation et l’enregistrement des rythmes du monde naturel.

Cette séance s’inscrit dans un cycle d’événements organisés par le FRAC autour de Rose Lowder.

PROGRAMME :

 

Boucles – Loops de Rose Lowder
1976-1997 / 16mm / couleur / silencieux / 6′

« Avant de posséder une caméra, j’ai étudié plusieurs questions visuelles au moyen, entre autres, de la projection de boucles fabriquées avec de l’amorce transparente 16mm, un perforateur à papier et un feutre permanent. Deux découvertes, concernant d’abord les effets cinématographiques qui peuvent être produits selon la modulation des caractéristiques des formes, des couleurs et des traits présents sur la bande-image, puis la variation de l’écart entre ce qui est vu sur l’écran et ce qui est perceptible sur la bande selon la disposition des éléments le long de la série d’images, fournirent des bases à mes films composés image par image dans la caméra.
Deux décades et diverses projections ayant rendu ces boucles difficiles à projeter, j’ai repris et transformé en un film une petite sélection (une série de quatre boucles), en attendant de poursuivre ces recherches par d’autres moyens. »

Voiliers et Coquelicots de Rose Lowder
2001 / 16mm / couleur / silencieux / 2′

« Il suffit de peu pour que tout apparaisse autrement. Date, heure, météo, regard, disposition des lieux, présence d’esprit… tout peut changer. »

 

 

 

 

Turbulence de Rose Lowder
2015 / 16mm / couleur / silencieux / 7′

« Turbulence fut filmé à Alet les Bains, cité médiévale dans l’Aude, doté d’un microclimat doux et reposant. Au milieu de la paisible ville, connue pour ses eaux thermales, on voit une petite cascade dans la rivière Aude dont les images et le titre du film se référent à l’état actuel du monde. »

Champ Provençal de Rose Lowder
1979 / 16mm / couleur / silencieux / 9′

« Champ provençal, filmé à la même période que Rue des teinturiers, repose également sur une sélection, au moyen de changements successifs de la mise au point image par image dans la caméra, des parties d’une scène qui permet d’induire une mobilité dans la constitution et la perception d’une image filmique. Le film présente une construction visuelle à partir d’un verger de pêchers à trois moments: la floraison (1er avril), la feuillaison (16 avril), puis la fructification (24 juin). La procédure d’enregistrement est similaire à celle de Rue des teinturiers, mais, accordée aux caractéristiques du lieu, des choix concernant l’organisation du matériau, elle donne au film sa spécificité. »

Impromptu de Rose Lowder
1989 / 16mm / couleur / sonore / 8′

« Faisant partie d’une série de travaux en cours, […] les trois bobines qui composent Impromptu ne furent pas destinées à être reprogrammées dans leur forme actuelle. […] Au moins l’oeuvre porte bien son nom: distribution non prévue, son aléatoire fourni gracieusement par le labo (et, par la suite, déplacé par leurs soins lors d’un nouveau tirage), acteurs accidentels, générique final providentiel…
La réalisation de l’image, au contraire, ne laissa rien au hasard. Montée méticuleusement dans la caméra, image par image, lors du tournage, en rembobinant la pellicule plusieurs fois, l’aspect visuel du film repose en permanence sur l’entrelacement de deux ou trois périodes temporelles différentes, les unes et les autres mélangeant sur l’écran leurs formes en mouvement pour chaque espace. »

Quiproquo de Rose Lowder, musique de Katie O’Looney
1992 / 16mm / couleur / sonore / 13′

« Méditation visuelle et sonore sur la rencontre entre la nature et le développement des processus techniques reposant sur une technologie sociale et industrielle. Réflexion portant autant sur le film que sur le réel représenté sur l’économie des moyens mis en oeuvre au regard de ce qui est véhiculé.
Quiproquo propose un «discours filmique» sur l’équilibre à trouver, les contraintes et les possibilités, la beauté et la tragédie du monde, avec en arrière-plan, une opposition aux choix dominants de la société actuelle.
Ce film a été tourné entre le nord du Mont Ventoux et Berre l’Étang. Structuré dans la caméra selon le procédé utilisé à d’autres fins dans Impromptu. »

 

 

Les Tournesols de Rose Lowder
1982 /16mm / couleur / silencieux / 3′

« […] Tout en gardant l’avantage de la mobilité des éléments graphiques, LES TOURNESOLS tente de faire gagner une certaine stabilité à l’ensemble de la représentation spatio-temporelle. Dans ce film, la mise au point est successivement réglée image par image, selon une série de partitions sur des plantes spécifiques situées à différents endroits de plusieurs champs de tournesols contigus. Les petites unités de photogrammes, enregistrées les unes après les autres, apparaissent, simultanément sur l’écran, lors de leur projection, sous forme de diverses configurations induisant des mouvements insolites. »

Sources de Rose Lowder, musique de Alexis Degrenier.
2012 / 16mm / couleur / sonore / 5’22 »

« SOURCES part du souhait de Thomas le Jardinier de célébrer le 30e anniversaire de sa fabrication de pâtés végétaux. En quittant la vie urbaine pour renouer un lien avec la terre, Thomas s’installe en jardinage
biologique dans la Haute Vallée de l’Aude, beau pays de sources chaudes et froides avec lacs et rivières. Au milieu de sa préparation artisanale, le jardinier est entouré des torrents des sources de la rivière Aude et de l’une des sources de ses recettes, les
fleurs et épices de son jardin. »

Bouquets 21 – 30 de Rose Lowder
2001-2005 / 16mm / couleur / silencieux / 14′

« BOUQUETS 21-30 (2001-2005) fait partie de la série de Bouquets écologiques, films d’une minute, composés dans la caméra en tissant différents éléments de divers environnements avec les activités présentes au cours du tournage. Le filmage repose sur la possibilité d’utiliser la bande filmique comme une toile, d’enregistrer, en allant en avant et en arrière, les images dans n’importe quel ordre sur la pellicule.

Ainsi chaque bouquet de fleurs devient aussi un bouquet singulier d’images. »