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Un Week-End Singulier: By Our Selves de Andrew Kötting

Projection

50TOBY-STRAW-BEAR-FIELD-copyBy Our Selves de Andrew Kötting

Gb, 2015, 80’00

Mention spéciale du Grand Prix de la Compétition internationale du FID de Marseille

Juillet 1841, un homme semble perdu dans une forêt du centre de l’Angleterre. John Clare, poète romantique important du XIXe siècle, vient de fuir l’hôpital psychiatrique de Northampton, à la recherche de son amour de jeunesse, Mary Joyce. Cette fugue lui fera parcourir près de 130 km en 4 jours, périple qu’il retranscrira une fois reconduit à l’asile où il mourra en 1864. Andrew Kötting reconstitue librement la brève échappée de John Clare dans la campagne anglaise d’aujourd’hui, prétexte pour composer un portrait captivant où fiction et documentaire sont sans frontières.
Énigmatique dès ses premières images d’un noir et blanc stylisé, pourvu d’une bande sonore riche et fascinante, le film évoque l’introspection d’un poète atteint de délires paraphréniques et de troubles de la personnalité. Scènes de visions ou d’écoutes hallucinées, reconstitutions anachroniques, conversations plaisantes ou lectures improvisées sont constamment traversées par une mise en abîme du tournage même, et ses impromptus, réinventant avec malice le documentaire biographique.
La beauté profonde de l’écriture de John Clare n’est pas en reste, le plus souvent mise en valeur par la voix gutturale de Freddie Jones (acteur fétiche de David Lynch). C’est d’ailleurs son fils, Toby Jones, qui incarne un John Clare mutique à l’écran. Parmi les autres complices du voyage, on croise Alan Moore, célèbre scénariste de BD originaire de Northampton – qu’il décrit tel un “trou noir culturel” dont on ne s’échappe pas. Ou encore Iain Sinclair, romancier et co-scénariste du film, affublé d’un masque de bouc.
Eden, la fille de Kötting, fait aussi des apparitions singulières filmées en Super 8 couleur, en compagnie d’un ours de paille, figure du folklore local…
Au bout de la route, ce film libre et enchanteur réussit, via son expérience sensorielle et ses personnages attachants, à rendre familier le poète déchu, sans pour autant le déchiffrer totalement.

L’œuvre foisonnante de Andrew Kötting, entamée au début des années 1980 après avoir été bûcheron en Scandinavie, est marquée par une curiosité et une ouverture d’esprit autrefois incarnées par des dissidents comme Derek Jarman ou Peter Greenaway. Performances dénaturées, créations sonores, installations, théâtre d’avant-garde, livres, peintures, cartes postales, poèmes, plateformes numériques, courts métrages au surréalisme mélancolique très british, longs métrages utilisant le paysage et le voyage comme tremplins de recherches autour de l’identité, l’appartenance, l’histoire, la mort ou la notion de communauté… Inclassable, tel « un ouvrier de l’art qui apprend à vivre dans la propre peinture de sa vie tranquille » ? « Je suis un Benny Hill croisé avec un peu de Stan Brakhage – et un aussi un brin de Joseph Beuys », répond-il en référence à l’humour noir (à la Beckett) qui le caractérise. « Mon frère aîné était nain. Face à cela, soit on choisit le sérieux et l’engagement, soit on fonce à fond dans le dadaïsme ou l’absurde. Mais ce n’est pas du cirque, c’est plus profond que ça. » Laissant toujours une place au hasard, son œuvre évolue sur la corde raide entre profondeur et absurdité. « Je ne sais pas toujours ce que je raconte », reconnaît-il. Et le spectateur ne sait pas toujours s’il a assisté à un film ou un happening. Insatiable explorateur d’un langage cinématographique élargi, ancrant sa production dans une étude toujours plus approfondie de la vie de ses proches.

STRAW-BEAR3GYPSIES-FORESTEn partenariat avec le lieu unique dans le cadre de : Un weekend singulier
Du 12 au 19 avril 2016, une vingtaine d’artistes investissent le lieu unique avec parmi eux un cinéaste autodidacte, un dessinateur à l’imaginaire sans limite, un musicien de cartons perforés, un claviériste surnaturel, des représentants de l’underground qui chantent en français, des cinéastes hors du commun et des manipulateurs en tous genres, etc.