L’exposition Ré-Anima ! invite à une rencontre sensible avec des oeuvres réalisées en collaboration avec le vivant, autre que humain. Fixes ou en mouvement, les images photochimiques et installations cinématographiques présentées bousculent et égratignent les visions dualistes et anthropocentristes qui régissent habituellement nos liens aux multiples autres formes d’existences présentes au monde. La vibration hallucinatoire de paysages désertiques andins, l’élan de vitalité insoupçonné d’un sous-bois, une rivière de lumière et de pellicule qui se déploie dans l’espace ou encore des images apparaissant à l’aide de fer, d’eau de mer ou de champignons: ici les artistes ne sont pas seul.es créateur.ices et délèguent volontiers cette fonction à l’inhumain. Ces pratiques expérimentales, en s’affranchissant d’une forme de hiérarchie entre les êtres, viennent déplacer les seuils de l’attention dans une visée animiste poétique et salutaire.
Avec des oeuvres de Sidney Gordon, Luce Lebart, Lichun Tseng, Charlotte Pryce et Malena Szlam
VERNISSAGE – mercredi 06 décembre – Galerie K-Haus dans le Blockhaus DY10
18h30
Ouverture de l’exposition en présence de Sidney Gordon, Lichun Tseng et Luce Lebart
19h30
There Must Be Some Way Out Of Here, performance de Alexandra Moralesova & Georgy Bagdasarov
Labodoble, CZ / 30′ / projecteurs diapo, shutters externes, lentilles, son live, voix-off : Pasi Mäkelä
La forêt comme métaphore de nos mondes intérieurs, dialectique des ténèbres et de la lumière.
Parcours de l’exposition :
River of light de Lichun Tseng
River of Light est une installation conçue spécifiquement pour l’espace du Blockhaus DY10, inspirée par les éléments naturels et les flux énergétiques. A travers la projection et la réfraction de la lumière, il s’agit de créer des changements constants de flux temporel et un espace immersif qui se meut entre plusieurs dualités : apparaître et disparaître, l’obscurité et la lumière, le mouvement et la fixité, le noir et blanc et la couleur – la nature de la nature.
Lichun Tseng est une artiste et cinéaste taïwanaise basée au Pays-Bas. Elle s’attache dans son travail à explorer et absorber l’expérience de la vitalité, à en saisir l’entièreté dans laquelle l’observation, l’écoute et la contemplation sont de profonds moteurs. Dans les dernières années, sa pratique s’est développée à travers le film 16mm, l’installation et la performance audiovisuelle. Elle est membre de Filmwerkplaats, un laboratoire d’artistes autogéré basée à Rotterdam aux Pays-Bas.
X̱á7elcha (Lynn Creek) Watergrams et xʷəyeyət (Iona Beach) Rubbings de Sidney Gordon
Sidney Gordon (iel) est un.e artiste queer et travailleuse culturelle, né.e et ayant grandi.e à Regina dans la province de Saskatchewan au Canada (Treaty 4 territory). Iel a obtenu un BMA en Film et Screen Arts à Emily Carr University d’Art et Design à Vancouver où iel vit et travaille depuis 2018. Le principal focus de son travail filmique est la création d’une forme d’incarnation empirique, représentant et dérivant souvent d’expériences subconscientes personnelles tandis que sa pratique photographique sans caméra s’attèle à questionner le statut d’auteur à travers la co-création écologique. Pour cela, son travail s’appuie de façon égale sur l’intention, la chance, et l’interaction. Iel est co-fondateur.ice et programmateur.ice de XINEMA, une série de projection locale de film expérimental. Iel est également membre du collectif et atelier d’artistes autogéré, Liquidation World.
X̱á7elcha (Lynn Creek) Watergrams
Le paysage en mutation de X̱á7elcha est capté à travers un processus sans caméra qui consiste à submerger du film 35mm sous la surface de la rivière et de capturer des impressions directes de ses réfractions lumineuses. Chaque film est ensuite développé à l’aide des plantes environnantes et fixé dans de l’eau de rivière. De ce fait, chaque photographie est impossible à reproduire et est unique dans sa spécificité spatio-temporelle.
xʷəyeyət (Iona Beach) Rubbings
Formée à marée basse, la rive en constante évolution de xʷəyeyət’s est captée à travers un processus sans caméra qui débute par l’action de frotter du papier photographique avec des sédiments bruts d’argile. Chaque planche est ensuite exposée à la lumière du jour présent et développée avec du fer et de l’eau de mer sourcés localement. Des métaux et matériaux minéraux, érodés et précipités en des formes sculpturales distinctives, sont présentés aux côtés des photographies. Ensemble, les oeuvres dépeignent une dévastation géologique prolongée ainsi que la relation entre les occurrences régénératives sédimentaires et la mutabilité du procédé photographique.
Mold is beautiful de Luce Lebart

« Qui est l’auteur de ces images bouleversées par le temps, par l’air, l’eau et les manipulations ? Est-ce le photographe des années 1920 dont la trace et le nom sont effacés ? Est-ce l’auteure de ces lignes qui les a retrouvées et inventées au sens juridique du terme, ou bien encore est- ce que ce sont les micro-organismes qui ont transformé et métamorphosé ces images en objets de délectation esthétique ?
La série Mold is Beautiful interroge la capacité des photographies à émouvoir : les mêmes images sont un temps rejetées ou adorées, craintes ou méprisées et enfin exposées. Elle s’amuse des multiples vies des images argentiques qui sont tantôt considérées comme des documents, des œuvres, ou encore de l’archive et finalement tout à la fois. Elle nous parle des multiples vies des images argentiques tant d’un point de vue théorique et sensible que du point de vue de leur matérialité.
Pendant près de cent ans ces images ont été confinées et oubliées dans une boîte en bois portant les traces d’une inondation. Les micro-organismes s’en sont emparés et les ont activées, vitalisées et transformées. Cette rencontre entre la technique (la photographie) et le vivant (les micro-organismes) a généré des formes nouvelles qui ont la particularité, et c’est la beauté de cette série d’images, de rentrer en dialogue avec les contenus des images et de les prolonger. Le jardin, le feu de forêt, la constellation, le feu d’artifice et les nuages, sont doublement augmentés : de nouvelles fleurs inconnues apparaissent, des morceaux de bois brûlé flottent, une nouvelle voie lactée émane des distorsions de la gélatine tandis qu’un voile d’oiseau, décollement du liant de l’image s’échappe vers le ciel…. L’image technique est devenue un terrain pour la prolifération du vivant, une image vivante en quelques sorte et en tous les cas une image écosystème dans laquelle coexistent des êtres vivants et des artefacts »
Luce Lebart est historienne de la photographie, commissaire d’exposition et chercheuse pour la collection Archive of Modern Conflict. Ses travaux portent sur l’archive, les imaginaires scientifiques et techniques et la matérialité des images.
ALTIPLANO de Malena Szlam

Tourné dans les Andes sur les terres traditionnelles de l’Atacameño, de l’Aymara et de Calchaquí-Diaguita dans le nord du Chili et le nord-ouest de l’Argentine, ALTIPLANO se déroule dans un univers géologique de salars ancestraux, de déserts volcaniques et de lacs
colorés. Fusionnant la terre avec le ciel, le jour avec la nuit, le rythme cardiaque avec la montagne et les minéraux avec des nuages irisés, ALTIPLANO révèle un paysage vibrant dans lequel un soleil bleu vif menace à jamais d’éclipser une lune rouge de sang.
Accouplé à un paysage sonore généré à partir d’enregistrements d’infrasons de volcans, de geysers, de baleines bleues chiliennes, entre autres. ALTIPLANO utilise le montage dans la caméra pour créer des rythmes visuels évocateurs à travers le choc des couleurs et des formes. Les paysages palpitent et bégaient, se transformant en espaces qui existent simultanément dans une multitude de temps. Situé au cœur d’un écosystème naturel menacé par l’exploitation géothermique récente ainsi qu’un siècle de pratiques minières de salpêtre et de nitrate, ALTIPLANO dévoile une terre ancienne témoin de tout ce qui est, a été et sera.
Malena Szlam est une artiste et cinéaste chilienne établie à Tiohtià:ke/Montréal, Canada. À travers le cinéma, la performance et l’installation, elle s’intéresse aux relations entre la pratique cinématographique, la notion d’embodiment, la temporalité et la perception. Par une attention sur les propriétés affectives de procédés analogiques de l’image en mouvement, le travail de Szlam donne forme à des approximations cinétiques et lyriques du monde naturel. Ses films ont été présentés dans le cadre de festivals reconnus, dont Wavelengths au Toronto International Film Festival (TIFF), au New Directors/New Films, au MoMA, au Media City Film Festival, au International Film Festival Rotterdam, ainsi qu’au CPH:DOX. ALTIPLANO, son plus récent film, a remporté plusieurs prix, dont le 25 FPS Grand Prix, le Melbourne International Film Festival’s Best Experimental Short Film, et le Canada’s Top Ten 2018 du TIFF.
Discoveries on the Forest Floor de Charlotte Pryce

« Le titre de cette oeuvre, Discoveries on the forest floor, est emprunté à un genre obscur de la peinture du XVIIe siècle : la peinture de sous-bois ou Sottobosco, qui annonçait une première tentative à la composition de plantes dans des environnements « réels » par opposition au vase. Inspiré par la juxtaposition du réel et de l’imaginaire, mon film prend la forme de trois études de plantes dans lesquelles les plantes, leurs images et leur environnement envisagé sont entrelacés. Les plantes ont été soigneusement sélectionnés. Physiquement, elles partagent une certaine absence de racines et cela était, à mes yeux, assez fascinant. De plus, j’étais tout autant intriguée par leur sentience suggérée, leur capacité d’alerte et leur rêverie. La première plante, Selanginella Lepidophylla, est plus communément appelée la « plante de la résurrection » et peut résister à la déshydratation et l’arrachement à la terre mais fleurit miraculeusement quand humidifiée. Elle semble joyeusement saluer l’univers comme si elle faisait l’expérience du drame du monde pour la première fois. La seconde plante est le Lichen, une plante composite de fungi et cyanobactérie à la texture granuleuse et friable. Pour la troisième plante, j’ai choisi la carnivore Drosera Capensis dont les racines détrempées luttent pour fournir suffisamment de nutriments de sorte qu’elle capte et attrape des insectes volants pour subsister mais aussi peut-être pour rêvasser. »
Charlotte Pryce oeuvre dans le film expérimental, la photographie et les objets optiques depuis 1986. Elle tire son inspiration du travail de naturaliste visionnaire, notamment Rachel Carson et Opal Whitely. Les mystères et la sentience du monde non-humain sont centrales dans sa pratique. Elle trouve un écho à ses idées dans l’oeuvre des écrivains d’éco-fiction du début du XXe siècle et dans la tradition mystique de ses origines galloises et britanniques. Ces influences sont présentes dans ses films les plus récents, Pwdre Ser, Of this Beguiling Membrane et And so it came about (A Tale of Consequential Dormancy), ainsi que dans son spectacle de lanterne magique, The Tears of a Mudlark. Sa pratique reste ancrée dans la manipulation physique de substance et dans l’exploration chimique de la matérialité du cinéma.
Née à Londres, Pryce sort diplômé d’un BFA de la Slade School of Art de University College London et termine ensuite un MFA en Beaux-arts/Film à la School of the Art Institute of Chicago. Ses films ont été montrés dans de nombreux festivals à travers le monde : Rotterdam, Oberhausen, Toronto, San Francisco, New York, Hong Kong, Ann Arbor et Londres. En 2013, la Los Angeles Film Critics Association lui a décerné le prix Douglas Edwards pour Best Experimental Cinema Achievement. En 2014, elle reçoit le Film at Wits End Award et en 2015 le Gil Omenn Art and Science Award durant le festival de film Ann Arbor. En janvier 2019, elle présente une rétrospective de sa carrière durant le Rotterdam Film Festival et son travail est montré au Velaslavasay Panorama à Los Angeles, au Bozar à Brussels et au Centre Pompidou à Paris.