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Carte blanche à Els van Riel

Projection

A l’occasion de sa résidence au labo, Els Van Riel nous invite le Jeudi 31 août à une projection mêlant ses films à des films de son choix à la Plateforme intermédia. Un programme 100% 16 mm en présence de la cinéaste, avec des films rarement montrés, notamment son tout récent “Fugue, a light’s travelogue” dont la première a eu lieu dernièrement au Media City Festival, ainsi que « Necrology » de Standish Lawder dont la copie nous arrive de la Filmmakerscoop de New-York ! Une belle opportunité de rencontrer l’artiste et de découvrir de magnifiques films.

 

PROGRAMME :

 

unwritten_page_still.250x200Unwritten Page
Els Van Riel,  16mm, couleur, son, 2001, 10min

« Unwritten Page est un film 16 mm fait pour une composition par Antoine Beuger. On m’a demandé de choisir une pièce de musique contemporaine qui serait jouée live par un petit ensemble, (Q-O2 à Bruxelles) et de faire un film ‘circonstantiel’ en accompagnement. Cela pour faire partie du programme d’une soirée appelée ‘Muziek in Beeld’, musique en image. Au départ il m’était difficile de comprendre pourquoi on pourrait vouloir ajouter de l’image en mouvement à une pièce de musique existante. La seule réponse à ma question fut « pourquoi pas? ». A cette époque j’étais intéressée par le fait de faire de l’image en mouvement sans lest. J’essayais de filtrer les besoins basiques pour obtenir un ‘film’ et n’ai rien gardé d’autre qu’un écran, de la lumière projetée et du temps comme éléments nécessaires pour faire bouger une image.

En écoutant « Unwritten page » d’Antoine Beuger, j’ai trouvé un compagnon. J’étais surprise d’entendre ces tonalités simples et minimales de violon apparaître et disparaître, avec leur présence prudente à n’être remarquées que dans les changements de détail et dans les espaces de silence entre elles. » – EvR

68cc23edda73e89944ea5ff6fb892705Necrology
Standish Lawder, 16mm, N&B, son, 1970, 12 min

« People ascending into darkness »

“Without doubt, the sickest joke I’ve ever seen on film.” (Hollis Frampton)

Le film de 12 minutes de Standish Lawder, intitulé Necrology (1969-70), constitue l’un des temps forts du cinéma expérimental américain et propose une description magistrale de l’anonymat de l’après-guerre. C’est aussi un document marquant, un paradoxe visuel et un traité philosophique sur la représentation des êtres humains. […] Il s’agit d’un seul plan, réalisé par une caméra fixe, de voyageurs descendant l’un des quatre escalators qui reliaient à l’époque le Pan Am Building […] à la gare new-yorkaise de Grand Central. Lawder chargea son film 16 mm à l’envers, puis filma avec un très léger accéléré. À la projection, l’activité banale consistant à descendre un escalator pour aller prendre son train et rentrer chez soi se métamorphose en une ascension méditative et quasi métaphysique vers un ‹ lieu plus élevé › non spécifié. »
David Campany, Anonymes. L’Amérique sans nom : photographie et cinéma, catalogue de l’exposition présentée au BAL du 18 septembre au 19 décembre 2010, Steidl & Le BAL, 2010.

gradualGradual Speed
Els van Riel, 16mm, N&B, son, 2013, 52min

« Il y a quelques années j’ai commencé à collecter des images avec l’idée de rendre hommage aux techniques en lente disparition du film argentique. Une série de ces enregistrements constitue ‘Gradual Speed’ un travail sur et pour le film 16 mm noir et blanc en tant que matière et en même temps en tant que métaphore pour tout ce que l’on ne peut pas saisir. »EvR

Notes de Julie Murray : Pour un film dont le titre décrit le mécanisme relativement simple utilisé pour le créer, le film 16 mm d’Els van Riel introduit une série de surprenantes transfigurations qui introduisent brillamment une forme de temps prolongé passé avec des gens, des animaux, des événements et des objets en compagnie desquels la cinéaste esquisse des préoccupations philosophiques plus larges en lien avec l’amour, la fixité, la représentation et la perte. Soigneusement positionnée, la caméra commence sur une seule image, l’obturateur maintenu ouvert, puis est imperceptiblement accéléré, augmentant la cadence d’images et ainsi changeant le temps d’exposition pour chaque image successive ce qui produit finalement une image visiblement en mouvement dont la vitesse de style Keystone-Cops (série comique du cinéma muet des années 20 – NDT) change à son tour pour lentement emboîter le pas du temps réel.

Van Riel a été en partie inspirée pour faire le film par l’histoire de Vladimir Shevchenko, l’un des premiers photographes à avoir été témoins des conséquences immédiates et épouvantables du désastre nucléaire de Tchernobyl et à les avoir consignées sur plaque photosensible. Le degré réel de cette sensibilité était évident sur le film utilisé qui, quand on l’a développé, montrait des effets caractéristiques de lourdes radiations sur l’émulsion. Lui-même succomba plus tard à l’empoisonnement des radiations.

Notes d’EvR :« C’est une relation inextricable qui projette sa longue ombre à travers ce film-sculpture songeur, comme une pensée après-coup qui nous rappelle que le film est avant tout un corps qui porte en lui les traces lumineuses d’autres corps, oscillant toujours entre l’apparition et la disparition. »

Ces observations se manifestent avec précision dans son ajustement temporel sans cesse renouvelé, si bien que l’empressement imminent, par exemple, de sa mère s’assoupissant,  dont l’agitation sur cette longue durée signifie tant dans le changement seul de sa vitesse, devient tout ce que l’on aura jamais besoin de savoir sur les indices de lumination et le passage abstrait du temps. C’est cette révélation intérieure, plus que n’importe quel éblouissement sur l’écran, qui détient le plus grand pouvoir d’influence. [AAFF: ANN ARBOR FILMFESTIVAL 2014 (Gus Van Sant Award for Best Experimental Film) & MEDIA CITY FILM FESTIVAL 2014 (Second Prize Award)]

 

At the Academy
Guy Sherwin, 16mm, N&B, son, 5min, 1974

Un film de « found-footage » entièrement fait à partir d’amorce de projection, normalement utilisée pour donner des signaux au projectionniste (décompte/départ image, son, etc). Le film a été tiré à la main avec une tireuse contact de fabrication artisanale. Il a été rembobiné et réimpressionné plusieurs fois, créant de complexes textures d’images et de sons. Le film explore les décalages de la copie positive et négative d’une même boucle. Etant donné que la lumière de la tireuse couvre aussi la piste son, image et son subissent des transformations identiques.

Lawder—Colorfilm-wpcf_320x237Colorfilm
Standish Lawder, 16 mm, couleur, son,  3min, 1971

Poursuivant son observation du médium lui-même, Colorfilm est une oeuvre que Lawder a faite en essayant de faire un film minimaliste, de « pure couleur ». Lawder a assemblé des bandes d’amorce de films colorées en blanc, jaune, bleu, rouge, vert etc. et en passant le film dans un projecteur a trouvé le résultat plutôt ennuyeux. Pendant qu’il passait le film cependant, il a remarqué combien les bandes colorées étaient belles lors de leur défilement dans le projecteur.  Alors, il a tourné la caméra vers le projecteur et a filmé le passage le magnifique déroulement du film coloré à travers les rouages du projecteur ». ” – Noel Black, Colorado Springs Independent. Musique par The Mothers of Invention.

FUGUE_Els-van-Riel_resized-1024x773-768x580Fugue, a light’s travelogue
Els van Riel, 16mm, couleur, son, 2017, 27min

Les chemins physiques de la lumière furent tracés pour la première fois par Ibn Al-Haytham, né en Iraq il y a mille ans. Dès que son Livre d’Optique s’ouvrit, l' »oeil émanant la lumière » se ferma. Thomas Young a d’abord vu l’énergie des particules de lumière se comportant comme des vagues. Son expérience du « dispositif à double fente » révéla que l’interférence de deux faisceaux de lumière produit un motif de clair obscur. Cecilia Payne-Gaposchkin établit que l’hydrogène est le constituant dominant des étoiles et, en conséquence, l’élement le plus abondant dans l’univers. En regardant l’hydogène fusionner dans l’hélium elle vit de la lumière s’échapper. Etant donné que la substance de la lumière demeure invisible, il est juste de dire que la lumière flotte librement dans un quantum imperméable et mesurable: des vecteurs d’énergie électromagnétique, se mélangeant et se scindant perpétuellement, matière se mélangeant et se scindant dans d’innombrables combinaisons composites.

Notes de Mónica Delgado : As in Gradual Speed, one of her latest works, the artist and filmmaker Els van Riel explores the diverse mechanisms of light as a physical and optical effect, in its specificity and materiality. In her Fugue, a Light’s Travelogue (Belgium, 2017), (…) she elaborates a proposal of a story of light from its reverse, the phantasmagoric effect of shadows, light games and ghosts that surge from the darkness.

In this proposal Els van Riel constructs a new history on light as a phenomenon of perception but also as an energy form, through the support of different historical characters, in a gallery of intermittences and superpositions where illustrations of Muslin astronomer Alhancen, scientist Thomas Young, Medeleyev, Max Plank, and Cecilia Payne-Gaposchkin can be seen. Many of these images are fusioned with diverse franc-masonic icons, in a game of counterpoints and juxtapositions to illustrate questions of power that validates this knowledge, from obscurantism, the elites or the cryptic.

The filmmaker achieves to compose, through the evocation of these characters of sciences and physics, a new rhythm with new sonic layers, of different objects that move, or voices, like Gregorian chants, that exert an hypnotic influx to this new historiography of projection’s magic. But the layers of Fugue, A Light’s Travelogue, escape the sonic realm and expand under the idea of a great permanent zoom of 28 minutes, that allows the exploration of space, precisely from the phantasmagoric feat that the projection allows from this new study or essay of light from the cinematic realm.

The film starts from the specificity of the projecting act in itself to slowly widen it to surpass the margins of the silver screen and the usual framing, leaving evidence that the idea and artifact of light effect is also a matter of contexts, structures and spaces. If Van Riel projects her new history of illumination, she also evidences the dispositif that has been protagonist in this experimentation, moving away from the intervention of the support to deepen her look in the mechanic of illumination and its variants, from the point of view of the observer, who approximates and moves back, and who configures significants from shadows and the magic of the projection.

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