La Folie des Hommes au Cinéma

Peut-on montrer la folie, mettre des images sur un état mental ? La folie se voit-elle ? Comment se mesure-t-elle? Comment l’image peut­elle capturer une altération mentale ? Les films dans ce programme utilise différentes techniques cinématographiques : vers la fin des années vingt les cinéastes du champ expérimental ont exploré les procédés narratifs et visuels du lexique de l’avant-­garde, les dispositifs des jeux optiques, de montage et la structuration selon le flux de conscience, tout cela au service de la création de mondes orles règles de vie opéraient selon une écriture hors normes, hors linéarité.
Huit films, huit façons de voir et d’exprimer un regard sur la folie hommes.

 

LA COQUILLE ET LE CLERGYMAN de Germaine Dulac, coécrit avec Antonin Artaud
(1927 / n&b / sil / 40’)

Germaine Dulac se sert de mouvements de caméra spectaculaires et d’angles insolites pour exprimer, en accord avec les théories freudiennes, les frustrations et les fantaisies sexuelles d’un jeune prêtre. Désir, interdit, ordre, sadisme, regard social, religion et sacré, avilissement, dérive… Toutes les scènes du scénario sont emblématiques de ces différents thèmes, chaque tableau étant un tableau mental provoqué par l’ordre du désir et de l’effroi. Artaud ne cesse de le proclamer : La coquille et le clergyman « n’est pas la reproduction d’un rêve et il ne doit pas être considéré comme tel ». Ramener le projet à cela, c’est affadir le projet central d’Artaud : plonger dans les profondeurs du psychisme et de la pensée pour les livrer à l’écran.

 

LITTLE GIRL de Bruce Baillie
(1994-1995 / coul-n&b / sil / 3’)

« Film en trois plans, ce genre magnifique qui permet de penser jusqu’au bout les puissances du montage. Ici une petite fille un peu disgracieuse salue interminablement les voitures qui passent. Soit un plan noir et blanc, quelques instants prélevés dans la matière même du monde, quelques instants à la fois doux, insignifiants et tristes. Soit un deuxième plan, noir et blanc toujours, que simplement en répète le motif et de ce fait atteste la profonde folie du premier. Que peut la couleur ? Elle est une apparition mythologique, elle revient comme une hantise, la hantise de tout ce qui a disparu… » Nicole Brenez.

 

SHORT OF BREATH de Jay Rosenblatt
(1990 / coul / son / 10’)

C’est un film collage hanté et affectif sur la naissance, la mort, le sexe et le suicide. Comme un coup de poing à l’estomac. « Short of Breath est comme un test de Rorschach, avec des images animées au lieu des taches d’encre. » Vincent Canby.

 

FOR ARTAUD de Al Razutis
(1982, coul opt, 10’)

L’avant-­dernier essai du cinéaste expérimental de Vancouver sur « I’ expressionnisme et le gothique dans l’horreur » qui évoque l’humanité sous l’emprise de démons aux proportions monstrueuses. Pour parvenir à l’ “incarnation” en image de ce qui pour Artaud resta toujours une utopie et une source extrême de souffrance, Razutis recouvre d’abord l’image d’une « neige parasite […] tandis que des voix déformées semblent s’élever de la plus grande confusion ». Razutis réalise le cinéma seulement imaginé par Artaud, ce « cinéma brut [qui], dans l’abstrait, dégage un peu de cette atmosphère de transe éminemment favorable à certaines révélations » : un cinéma de la Cruauté.

 

DANCE NUMBER 22 de Raphael Montañez Ortiz
(1993 / n&b / son / 7’22)

Une vidéo expérimentale basée sur la répétition et une rythmique folle.

 

 

FOLIE FOLIES de Jean-­Louis Accettone, Bertrand Garcette, Eric Rattenni
(1988 / coul / son / 9’)

Une vidéo folle furieuse sur la folie, sur les limites du cadre et des murs de l’hôpital psychiatrique, qui s’imposent à ceux qu’on qualifie de fous. Sur un idée de Jean ­Louis Roelandt. Des images qu’on n’oublie pas. Un montage détonant et étonnant.

 

HUMAN REMAINS de Jay Rosenblatt
(1998 / n&b / son / 30’)

Ce portrait intime de cinq dictateurs illustre la banalité du mal. Le film dévoile les vies personnelles d’Hitler, de Mussolini, Staline, Franco et Mao Tsé-Toung à travers les détails intimes de leur vie quotidienne : plat favori, films préférés, vie sexuelle. Aucune mention de leur vie publique ou de leur place dans l’Histoire. Tout le film est factuel, mêlant des citations directes et des faits tirés de leur biographie. Le recours à des voix off et à des traductions anglaises rappelant un documentaire de la BBC, lui confère encore plus de vraisemblance. L’ironie, parfois même l’humour, sont omniprésents. En questionnant l’horreur d’un point de vue qu’ils sont coupables, précisément parce qu’ils sont humains, comme nous.

 

THE FALL OF THE HOUSE OF USHER de James Watson & Melville Webber
(1928 / n&b / sil / 12’) d’après le scénario de Edgar Allan Poe

Court métrage d’anthologie du cinéma américain aux influences multiples. En 1921, lors de sa projection à New York, Watson avait vu à plusieurs reprises le film expressionniste allemand, Le Cabinet du docteur Caligari. Non seulement les décors, avec leurs angles impossibles, sont inspirés de ce film mais « le voyageur » au chapeau haut-de-forme, fait directement écho à la figure du docteur Caligari lui-même. On trouve aussi dans ce film des influences européennes, notamment celle des films expérimentaux français des années 20 qui représentaient des états mentaux altérés par le biais de truquages complexes et modifications optiques.

Ce programme est né d’une collaboration entre Miles McKane de Mire et Isabelle Schmitt du lieu unique.

Plus d’informations sur l’évènement sur le site du lieu unique ou au 02 40 12 14 34.

 

Le Cinéma Katorza s’associe aux Rencontres de Sophie du 5 au 8 Mars avec une programmation de fictions et documentaires autour de la folie.

LUNDI 5 MARS À 18H
La moindre des choses
, un documentaire de Nicolas Philibert
et à 20H05
Le moindre geste
un documentaire de Fernand Deligny, Jean-Pierre Daniel, Josée Manenti

MARDI 6 MARS À 18H
Le moindre geste
un documentaire de Fernand Deligny, Jean-Pierre Daniel, Josée Manenti
et à 20H10
Titicut follies
, un documentaire de Frédérick Wiseman (USA, 1967, 84’)

MERCREDI 7 MARS À 19H30
Une femme sous influence,
John Cassavetes (USA, 1974, 2h26)

JEUDI 8 MARS À 20H
Après la folie
, un documentaire de Mickaël Hamon, suivi d’une rencontre avec le réalisateur.

Cinéma Katorza – 3 rue Corneille – www.katorza.fr -­ 02 51 84 90 60